Durant plus de vingt ans, Stéphane Moitoiret et Noëlla Hégo ont arpenté les
routes et les villages de France pour accomplir l'impérieuse «mission divine»
de «remettre en route l'horloge du destin». Leur périple prendra fin quelques
jours après le crime atroce de Valentin, un garçonnet de 11 ans, massacré
par Moitoiret de quarante-quatre coups de couteau dans une ruelle sombre
de Lagnieu. Ce crime immotivé s'inscrit dans le cadre d'un délire à deux, une
pathologie dont le dernier exemple en France était le célèbre «double crime
des soeurs Papin» en 1933.
Dès leur arrestation, il apparaît que ces «doux dingues» sont de grands malades
mentaux délirants, jamais diagnostiqués auparavant. Sont-ils responsables
pénalement de leurs actes ? Les divergences des experts psychiatres révèlent
la fracture entre les partisans de la «confrontation à la loi», convaincus de
l'utilité thérapeutique d'un procès, et les psychiatres plus classiques qui
refusent la responsabilisation pénale des grands psychotiques, au nom de
l'humanisme médical.
En rassemblant l'examen des faits et de leurs circonstances, les témoignages,
les expertises, les biographies des prévenus, l'immersion dans leur univers
délirant et le compte rendu des audiences pénales, cet ouvrage montre
comment et pourquoi, au XXIe siècle, il est redevenu possible de condamner
des aliénés.
Les fous, protégés par leur maladie depuis l'Antiquité, ne sauraient échapper
dorénavant au lot commun : la geôle plutôt que le soin - même contraint -,
l'incarcération plutôt que l'hospitalisation - même sécurisée -, le surveillant
de prison plutôt que le médecin.