Le rap français est vu dans ce livre à partir des voix qui
profèrent des paroles souvent condamnées pour leur violence et leur
immoralité. Ancrant son regard dans une sociologie de l'action
musicale, Anthony Pecqueux scrute la façon dont se déploie la
relation entre rappeur et auditeur dans les paroles proférées.
Interpeller l'auditeur, le tutoyer nonchalamment, l'inviter à
s'associer en un «nous», sont quelques-unes des procédures
utilisées par les rappeurs pour solliciter la coopération des auditeurs
et faire émerger une culture de la convivialité.
Mais insulter les policiers (et les hommes politiques, les juges,
les huissiers...), rendre hommage à des comportements déviants
voire illégaux forment tout autant l'ordinaire des paroles des
rappeurs. Pour répondre aux questions de violence et d'absence
d'engagement politique que le rap suscite régulièrement,
A. Pecqueux invite à prendre au sérieux les rappeurs lorsqu'ils
placent le langage au centre de leurs interventions chansonnières.
Ce langage, performé par une voix particulière et adressé à
l'auditeur, se présente comme le mode de relation entre rappeur et
auditeur, plus largement entre les êtres sociaux. Le rap accomplit
ainsi une politique ordinaire, certes non exempte de violence, mais
fondée sur la conversation.