Voyage à l'Ile-de-France
(île Maurice) 1768-1771
J'ai vu, chaque jour, fouetter des hommes et des femmes pour avoir cassé quelque poterie, oublié de fermer une porte ; j'en ai vu de tout sanglants, frottés de vinaigre et de sel pour les guérir ; j'en ai vu sur le port, dans l'excès de leur douleur, ne pouvoir plus crier ; d'autres mordre le canon sur lequel on les attache... ma plume se lasse d'écrire ces horreurs, mes yeux sont fatigués de les voir, et mes oreilles de les entendre.
Ces belles couleurs de rosé et de feu dont s'habillent nos dames ; le coton dont elles ouatent leurs jupes ; le sucre, le café, le chocolat de leurs déjeuners, le rouge dont elles relèvent leur blancheur : la main des malheureux noirs a préparé tout cela pour elles. Femmes sensibles, vous pleurez aux tragédies, et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes !