Voyage au pays des boxeurs
Comment peut-on être boxeur professionnel ? Sociologue initié à l'art de la frappe, « Busy » Louie nous emmène au pays des pugilistes de l'hyperghetto de Chicago pour y goûter la saveur et la douleur de l'action entre les cordes. Loin des clichés journalistiques et littéraires, il nous fait palper la trame du lancinant labeur quotidien dans le gym, îlot d'ordre et de morale dans un océan de destruction et de dangers ; partager la dévotion des boxeurs au catéchisme du « sacrifice », code de vie ascétique qui régule leur relation au monde profane - nourriture, vie sociale, sexe. Et il nous fait vibrer lors des tournois amateurs et entrer dans les coulisses et l'intimité des matches des galas professionnels.
Maîtriser un art du corps honorifique, s'immerger dans un monde sensuel et moral, ressentir le frisson de l'affrontement sur scène, entrer dans cette communion homoérotique et cependant chaste qu'est le combat, accéder à un grade supérieur de masculinité, et construire un soi glorieux dont attestent la clameur de la foule, l'estime des pairs et l'admiration des proches : tels sont les bénéfices existentiels que le pugilisme garantit à ceux qui s'y adonnent, à défaut de servir de vecteur de promotion économique et d'ascension sociale. Risques physiques et profits symboliques, ce qui ne veut pas dire illusoires ou secondaires, bien au contraire, car l'homme est, foncièrement, un animal spirituel autant que de chair et de sang. Ainsi se résout le mystère de l'homo pugilisticus, pris dans les rets de l'amour doux-amer qu'il voue à son métier.