Un voyage
Jean-Hugues Berrou et Pascal Rabaté, équipés de leurs armes respectives, marchent sur les pas du grand écrivain.
Ou plutôt ils sont accompagnés de son souvenir, de ses récits, protégés par son humour aussi.
Ils croisent des témoins qui ont connu ces bagnes devenus goulags. Ils se font pages blanches où les humains perdus dans des étendues sans fin se posent presque brutalement dans leur dépouillement.
Un long voyage à travers les forêts, les fleuves, les maisons et les hommes qui semblent espérer leur propre oubli.
Le 21 avril 1890, Anton Tchékhov quitte Moscou pour une longue traversée de la Sibérie.
Il arrive après quatre mois d'une course épuisante à parcourir les 8 000 km qui le séparent de l'île de Sakhaline, située au nord du Japon.
Il veut témoigner en tant que médecin des conditions de vie des bagnards isolés sur cette longue langue de terre gelée. C'est que déjà dans la Russie tsariste, on bannit, enferme et exile à tour de bras.
Son voyage durera une année entière. Tchékhov écrit des lettres à ses proches, prend des notes, recueille des anecdotes, fait l'inventaire de la population de chaque village de cette immense colonie pénitentiaire.
Il en tirera un récit étonnant : l'Île de Sakhaline : « Je veux simplement écrire deux ou trois cents pages et payer ainsi ma dette à la médecine, à l'égard de laquelle je me comporte, vous le savez, comme un vrai porc. »
Mais ce médecin est avant tout un dramaturge...