Le second règne de la nature
« Il est certain que la connaissance des structures et des fonctions végétales doit aux botanistes du XVIIIe siècle des impulsions décisives. Toutes les histoires de la botanique le répètent. Mais, pour la plupart, elles sont bien éloignées de s'interroger sur les raisons et circonstances de l'invention par les naturistes de leurs tactiques ou de leur méthodes. Pour ce faire, il faut s'intéresser, dans l'histoire d'une science, moins à ses résultats, célébrés comme des victoires, qu'à la façon dont les problèmes, même non résolus, ont été posés. Il faut considérer la science comme une entreprise laborieuse de lecture des phénomènes, dont les hypothèses sont la grille. La genèse des hypothèses doit donc être privilégiée par rapport au recensement des observations. L'intérêt du présent travail de François Delaporte réside d'abord dans la mise à l'épreuve de certains conceptes épistémologiques, comme ceux d'analogie et de modèle, pour mesurer en quelque sorte la fécondité ou la stérilité de telle ou telle décision heuristique. Mais ce travail vise, perspicacement, au-delà. Analogies ou modèles ne se présentent pas d'eux-même. Ils sont choisis. Et l'inspiration de leur choix rend sensible la présence latente de valeurs paradigmatiques, des schèmes d'aperception collectifs, caractéristiques d'un espace-temps culturel déterminé. »
Georges Canguilhem