«Toujours Bory nous raconte une histoire, nous saisit la main et nous emmène vers un chemin de traverse. Bory n'a rien d'un théoricien, ni d'un historien, ni même d'un critique. Ce serait plutôt un courriériste témoin de son époque, qui aime le cinéma autant mais pas plus que les autres arts, ce qui lui rend la tâche aisée pour l'inscrire dans un plus vaste contexte. Et puis, Bory n'appréciait rien tant qu'une certaine audace à condition qu'elle fût contrôlée. Les années 70 sont celles de l'éveil de nouvelles cinématographies nationales, l'anglaise, l'helvétique, la québécoise, auxquelles le critique du Nouvel Observateur prête une attention soutenue. L'après-68 du septième art, c'est la fin de l'effet-Nouvelle Vague. L'innovation n'est plus seulement française, elle s'universalise tandis que Paris s'inscrit durablement comme capitale mondiale des films, sinon de la production. En ces années, les salles du Quartier latin se sont multipliées, la télévision monopoliste d'Etat tient sur deux pieds, bientôt trois. L'offre de cinéma demeure l'apanage des exploitants, des exploitants uniquement. La télé ne fournit encore qu'un appoint secondaire de financement des œuvres, on demeure bel et bien entre «professionnels de la profession», comme dit lumineusement Godard.
Chaque semaine, notre Bory tricote consciencieusement son journal d'un voyeur. Avec ses airs de ne pas y toucher, il évoque l'air du temps, l'ère d'une approche très politique et très morale de l'art.»
Olivier Barrot