Cet essai interroge Portier de nuit, chef-d'oeuvre de Liliana Cavani, qui suscita bien des controverses à sa sortie en 1974. Il questionne l'esthétique de la cinéaste, la lecture qu'elle produit du nazisme, le lien d'amour qui lie un ancien bourreau et sa victime. À partir de la notion de « zone grise » forgée par Primo Levi, il ausculte la figuration des pulsions, les dédales de la mémoire, la représentation de situations extrêmes ainsi que le jeu transcendant de Charlotte Rampling et Dirk Bogarde.
Lors des polémiques que le film engendra, la voix de Michel Foucault s'éleva. L'ouvrage de Véronique Bergen déconstruit la lecture foucaldienne et réarticule la question de la figuration de la Shoah à partir des positions de Claude Lanzmann. En analysant Portier de nuit, le livre approche l'oeuvre d'une cinéaste que Pasolini qualifiait d'« hérétique et de révolutionnaire ». La caméra de Cavani sonde les mouvements du désir, des forces transgressives et les points de crise de l'Histoire. Dans Portier de nuit, elle découpe deux figures en marge, Max (Dirk Bogarde) et Lucia (Charlotte Rampling) dont l'amour fou, jugé malsain, déclaré pathologique, est condamné par tous durant la Deuxième Guerre mondiale et lors de leur retrouvailles douze ans après la Libération.